Le KKL de France a organisé l’événement de clôture des 75 ans de l’État d’Israël le 13 juillet dernier au centre culturel des Franciscaines, à Deauville. La conférence, riche en anecdotes savoureuses, portait sur les nouveaux défis de l’État Hébreu et sur l’avenir des juifs de France. Le KKL avait convié trois brillants orateurs, le diplomate israélien Daniel Saada, le journaliste Clément Weill-Raynal et le politique Julien Dray (ex PS). La conférence était animée par la journaliste et auteure Noémie Halioua.
Après un énoncé des missions historiques et futures du KKL par Robert Zbili, président du KKL de France, notamment la création de forêts, la préservation des ressources en eau et la recherche appliquée aux énergies renouvelables, Philippe Spilet, vice-président du KKL de France a déclaré avec enthousiasme, « ce soir, grâce à vos 300 tickets d’entrée, vous avez contribué à la plantation d’une forêt de 1500 arbres ! ». Daniel Saada a rappelé que « sans le KKL, il n’y aurait pas eu d’État d’Israël. Le KKL a compris très vite que nous n’avions pas grand-chose, mais qu’avec ce peu là nous devions faire le maximum ». Il a indiqué que les grandes puissances viticoles membres de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV, 49 États, 80 % de la production mondiale) s’inspirent du savoir-faire israélien. « Dans les années 60, on s’est rendu compte que le Néguev regorgeait d’eau, mais d’eau saumâtre. Le KKL a alors investi massivement dans la recherche. Cette eau salée peut irriguer beaucoup de plantes y compris la vigne. Cela a donné le délicieux vin blanc Yatir. Les grains sont fripés mais très sucrés », raconte Daniel Saada. Evoquant la situation aux frontières, il a cité l’expression de Itzak Rabin, « nous n’avons pas pour voisins la Belgique et le Luxembourg ». Les organisations terroristes, le Hamas, le Djihad islamique et le Hezbollah, sont aux portes d’Israël. « Lors de l’accord avec l’Iran, nous avions alerté sur la menace iranienne pour la stabilité régionale et mondiale ». Concernant le conflit ukrainien, Daniel Saada a évoqué que « Benjamin Netanyahou a passé il y a sept ans un accord avec la Russie permettant de détruire les armes en provenance de Syrie livrées aux mouvements terroristes ». « La guerre sur plusieurs fronts a déjà existé », rappelle-t-il. « En 1948, 600000 habitants du yishouv ont dû affronter cinq armées arabes ». Pour Daniel Saada, pas question de diviser la ville de Jérusalem. « On a fait tomber le mur de Berlin, symbole de la guerre froide, et on voudrait en construire un à Jérusalem pour amener la paix ? Absurde !» Certes, la situation est très dangereuse, mais « Ben Gourion disait qu’en Israël, pour être réaliste, il faut croire aux miracles. Nous ferons tout pour empêcher une déflagration». Pour illustrer l’ignorance des élites françaises sur le contexte géostratégique, Daniel Saada raconte qu’à l’hôtel Crillon à Paris en 1993, Jean-Daniel, le mythique patron du Nouvel Obs avait déclaré à Yitzak Rabin, « vous êtes le de Gaulle israélien ». Mais la réponse de Rabin, traduite par Daniel Saada, fut sans appel : « vous n’avez strictement rien compris. Mettez la Méditerranée entre nous et les palestiniens, et le conflit sera réglé en cinq minutes ».
Pour Clément Weill-Raynal, Israël, puissance militaire et technologique, « ne sous-estime pas ses adversaires et a intégré les paramètres du combat asymétrique ». Alors que les pays européens n’en finissent plus de se réunir autour de la sécurité de l’Europe, Israël a mis au point le kipat barzel (dôme de fer), a développé la cyber-sécurité et des services de renseignements efficaces. Le journaliste s’inquiète cependant, « 200000 roquettes sont stockées aux frontières et la menace de Gaza est contenue, mais jusqu’à quand ? ». Pour lui, le conflit israélo/palestinien est avant tout identitaire. Dès qu’une « solution » émerge, la désinformation n’est pas loin, pointant la « responsabilité » des israéliens. A une époque, tout le monde se gargarisait des « paramètres Clinton » censés être « la potion magique pour résoudre le conflit, en plus des avis hypocrites du Quai d’Orsay » décrit le journaliste. Les Arabes utilisent les médias pour présenter Israël comme un perdant. « Imaginer qu’en évacuant la Judée Samarie et en divisant Jérusalem les milices terroristes cesseront leurs attaques relève d’une grande naïveté ». Il faut refuser toutes les solutions au détriment d’Israël, selon Rabin : « lo al hechbon Israël ».
Julien Dray a narré deux anecdotes édifiantes : « jeune député et invité de l’émission « Lunettes noires pour nuits blanches », Thierry Ardisson me demanda « si la France était en conflit avec Israël, de quel côté seriez-vous ? ». Je répondis « je choisirai la République française », mais aujourd’hui, je lui répondrais « si la France entrait en conflit avec Israël, ça voudrait dire que la France n’est plus la France ». Evoquant ses discussions avec Yasser Arafat dans le cadre d’une délégation du PS en 2000, peu après le sommet de Camp David II, Julien Dray raconte : « nous apprîmes, en direct, le lynchage des soldats israéliens », situation à laquelle Ehud Barak ne comprenait rien. Je dis alors à Arafat « celui qui veut la paix s’en donne les moyens. Celui qui ne veut pas la paix la sabote ». Il rétorqua « moi, je ne raisonne pas comme ça ». Je répondis « le message est clair », et ce fut tout. J’ai donc rapporté à la fédération du PS que « les leaders palestiniens, malgré les sourires de façade et les accords signés, ne veulent pas la paix et ne la voudront jamais ». Mais une partie de la gauche était fascinée par Arafat. « Mon conseil aux israéliens, c’est de comprendre qu’ils ne veulent pas la paix ». C’est le message que je transmets partout. Julien Dray a également rappelé que dans les années 90, Jean-Luc Mélenchon était très proche de la communauté juive et pro-israélien, « positions qu’il a quittées progressivement par clientélisme pour sombrer dans l’islamo-gauchisme ».
Robert Zbili a signalé que « pour la génération israélienne actuelle, la Judée Samarie fait partie intégrante d’Israël, revenir aux frontières de 1967 est impensable ». La Judée Samarie garantit une profondeur stratégique. Sans cette zone tampon, les villes israéliennes seraient directement menacées. « Le conflit ne date pas de 1967 mais de 1948. Les territoires, que la Jordanie avaient annexés avant 67 sans créer d’état palestinien (ce qui aurait menacé la dynastie hachémite), ne sont qu’un prétexte », appuie Daniel Saada. Robert Zbili a fait part de son inquiétude constante mais aussi de sa confiance dans l’État Hébreu. « Les accords d’Abraham feront émerger une solution pour les Palestiniens du Liban, de Judée Samarie, de Jérusalem, de Gaza et de Jordanie où ils représentent 70 % de la population. Le meilleur reste à venir », a affirmé Robert Zbili. Concernant l’avenir des juifs en France, « pays qui connait un grand bouleversement dont le macronisme est l’aboutissement », les orateurs conseillent à la jeunesse « de se battre pour les valeurs de la république, contre l’antisionisme, faux-nez l’antisémitisme, et contre le wokisme ». A noter lors de cette soirée mémorable la présence de Robert Monsonégo, président de la communauté Beth Yossef (Deauville) et du rabbin Yehouda Elbilia, ainsi que du rabbin Schmuel Levine (Habad Deauville) et de son épouse Hava. « Israël sans Torah et sans caractère juif ne tiendra pas », a conclu Clément Weill-Raynal.
Esther Amar