Dans le cadre d’un cycle de conférences organisé en France, le KKL de France a accueilli le 11 mai dernier un expert international dans le domaine de l’eau : le franco-israélien Rony Sarfatti. Au cours d’une présentation magistrale, il a abordé les aspects historique, géopolitique, technologique, climatique et économique, devant un public séduit par son énergie et son humour. Ingénieur spécialisé, il possède une expérience de 25 ans dans le secteur de l’Eau. Cet expert indépendant intervient auprès des Nations unies.
Robert Zbili, président du KKL de France, a introduit la conférence en évoquant avec émotion son contexte particulier : « une pluie de roquettes envoyée par le Djihad islamique s’abat sur l’Etat hébreu, pas un endroit du pays n’est à labri ». Il a précisé que cette conférence, organisée par l’OSM à la rencontre des communautés à Paris, Nancy, Strasbourg, Aix et Marseille, aborde le thème de l’eau, une problématique au cœur de l’action du KKL. Le consultant a expliqué en préambule qu’il revenait d’une mission auprès du gouvernement marocain pour la réutilisation des eaux usées, et qu’il se rendra prochainement en Afrique (qui compte le premier pays francophone au monde, le Congo RDC) et en Espagne où sévit une sécheresse sans précédent.
Rony Sarfatti a d’emblée souligné un paradoxe : « Israël, pays à 60% désertique, se trouve dans l’une des régions les plus pauvres en eau au monde, mais les habitants ne manquent jamais d’eau ». Longtemps confronté à une pénurie chronique en eau, Israël a dépassé cette fragilité structurelle au point de devenir exportateur d’« or bleu » auprès des pays voisins et de s’imposer comme modèle international en matière de gestion des ressources en eau. Depuis la décision de David Ben Gourion, les gouvernements successifs, tous bords politiques confondus, ont considéré l’eau comme une priorité. Visionnaire, Ben Gourion fut également à l’origine de la création d’un institut de recherche sur le dessalement de l’eau de mer. « La plus importante usine de dessalement d’Inde est israélienne, la plus grosse usine de Chine, à Tianjin (200.000 tonnes d’eau dessalée par jour) également, la plus grosse usine de dessalement des Etats-Unis près de San Diego en Californie est israélienne. Dans à peu près 60 pays, il y a du dessalement israélien. Les Israéliens sont de manière incontestable les leaders mondiaux dans ce domaine » note l’expert.
Pour mieux comprendre ce « miracle » technologique et ses conséquences géopolitiques, l’orateur a d’abord rappelé que l’eau douce est répartie de façon très inégale sur la planète. « La pluviométrie est dans un rapport de 1 à 100 entre Israël (300mm par an) et la France (500 à 2.000mm par an) et ça va s’aggraver avec le réchauffement climatique ». Le Moyen Orient et l’Afrique du Nord totalisent 4,3% de la population mondiale et ont à disposition moins de 1% des ressources en eau douce renouvelable de la planète (source CIEAU). « La quantité d’eau douce n’a pas changé depuis des millions d’années mais la population est passé de 50 millions d’habitants il y a 3.000 ans à 8 milliards en 2023 » explique-t-il.
Le conférencier a précisé qu’en Israël « chaque goutte d’eau de la douche, des toilettes, de la vaisselle, de la machine à laver est utilisée deux fois, et rejoint les égouts comme en France. La différence, c’est que la station d’épuration en Israël opère un traitement plus poussé et produit une eau épurée d’excellente qualité (kolhine, en hébreu), reconnaissable aux grands tuyaux violets qui la transportent, contrairement à l’eau potable qui circule dans les tuyaux bleus ». Cette eau épurée est très utilisée dans l’agriculture.
L’ingénieur a rappelé que « depuis 7 ans, Israël donne jusqu’à 10 millions de m3 d’eau par an à Gaza, même en pleine guerre. Chaque mercredi matin, Israël envoie de l’eau de très bonne qualité aux gazaouis qui remplissent leur réservoirs pour la semaine. Cela permet à la population de boire une eau pure alors que les nappes phréatiques de Gaza, du fait d’équipements anciens, surexploitées et polluées, produisent une eau médiocre ». A noter qu’Israël fournit de l’eau aux palestiniens dans le cadre du volet eau des accords Oslo 2.
Pour faire face au défi de l’eau, l’expert a listé les solutions : mieux gérer la consommation, l’irrigation au goutte-à-goutte développée au kibboutz Magal, mais aussi par plusieurs firmes israéliennes, la réduction des fuites dans les réseaux d’eau très surveillées en Israël mais qui représentent des pertes abyssales dans de nombreux pays, la recharge des nappes phréatiques à l’œuvre en Israël depuis quelques années, l’alimentation du Lac de Tibériade qui constitue un réservoir d’eau géant, la création de réservoirs artificiels (le KKL en a créé plus de 240), le dessalement de l’eau de mer grâce à l’osmose inverse (Israël compte 5 usines géantes de dessalement, une sixième est en construction et la construction d’une septième va démarrer), la réutilisation des eaux (Israël réutilise 90% de l’eau consommée).
Il signale que depuis 6 mois, un grand changement s’est opéré : Israël produit tant d’eau dessalée que l’aqueduc national en transporte jusqu’au lac de Tibériade, ce qui permet d’alimenter davantage les Jordaniens (traité de paix 1994). En plus des 54 millions de m3 d’eau annuels envoyés à la Jordanie, Israël va fournir presque le double suite aux nouveaux accords.
Notre orateur a signalé que même si le prix de l’eau aujourd’hui en Israël est plus bas que le prix moyen en France, le gouvernement lutte contre le gaspillage par des campagnes de communication.
Enfin, le conférencier s’est inscrit en faux contre les études qui prédisent des guerres de l’eau : « le temps nécessaire à la construction des infrastructures géantes au coût pharaonique oblige les pays des bassins versants à s’entendre. Si des pays veulent de l’eau ils doivent passer des accords».
Un article de Esther Amar, journaliste scientifique.