Le Keren Kayemeth Leisraël-Fonds national juif a été créé au 5è Congrès sioniste réuni en décembre 1901 à Bâle, sur la proposition du professeur allemand Hermann Schapira.
Lorsqu’il s’agit de savoir quand a commencé l’activité du KKL en France, les choses se compliquent. C’est en effet le 7 mai 1925 que l’association a été déclarée à la Préfecture de la Seine, déclaration publiée 9 jours plus tard au Journal Officiel. Toutefois, dès le lendemain de la création du KKL mondial, on peut trouver la trace d’une activité en France. Le 15 septembre 1902, le journal parisien L’Echo Sioniste indique que les timbres de ce qu’il appelle le « Fonds national » sont en vente chez le trésorier de la société sioniste Mevasseret Sion, M. Arnstamm, 21 rue de la Tour d’Auvergne (quelques années plus tard, son successeur, M. Salzmann, aura comme adresse le 41 de la même rue !). Il est envisagé d’imposer l’achat d’un timbre à chaque participant à une réunion sioniste.
En 1904, le journal lance un appel pressant aux sionistes de langue française pour leur demander de contribuer financièrement de manière significative, et promet de publier régulièrement la liste des donateurs. Appel repris par une Union des dames sionistes de Paris qui existe déjà le 4 mars 1905, puisqu’elle organise à cette date une réunion au 80 rue de Bondy (l’actuelle rue René-Boulanger). Des listes régulières, il faut bien dire qu’il n’y en eut qu’assez tardivement. Une « commission du Fonds national », animée par J. Roukhomowsky, fonctionne au sein du comité central sioniste de Paris dans les années 1911-1912. Elle indique avoir collecté en 1911 la somme de 2500 francs, en net progrès par rapport aux 800 à 1000 francs collectés annuellement jusque-là.
La commission prépare deux conférences avec projections sur « La Palestine et les institutions sionistes » : l’une en français, à la société Mevasseret Sion, l’autre en yiddish à l’Université populaire juive. C’est en Alsace et en Moselle, rattachées à l’Empire du Kayser avant 1918, que le KKL a connu un développement plus rapide. Une « commission centrale pour l’Est de la France » y est constituée sous la responsabilité d’un leader de grande valeur, Tobie Salomon. Elle publie régulièrement des listes de donateurs dans de petits journaux locaux comme « Le Juif ». A partir du 6 mars 1925, elle diffuse gratuitement et à domicile 16.000 exemplaires d’un bulletin bimensuel intitulé « La Terre promise ». En octobre 1922, les comités de Paris et de Strasbourg ont édité ensemble un almanach de poche illustré pour l’année juive, « intelligemment conçu », selon le journal consistorial L’Univers Israélite qui le brocarde sans méchanceté ; on y trouve des portraits des bienfaiteurs de la Palestine juive Edmond de Rothschild et Charles Netter, et un poème d’André Spire.
Entre temps, le comité parisien s’est étoffé sous l’impulsion d’Armand Fleischmann. De nombreux promeneurs de la rue des Ecouffes connaissent l’oratoire qui porte le nom de son fils Roger, décédé prématurément- il était le frère aîné du talentueux et regretté auteur de nouvelles Cyrille Fleischmann. Très actif dans les milieux juifs orthodoxes et dans le quartier parisien du Pletzl, Armand Fleischman participe en juillet 1924 à une conférence des commissaires du KKL de France et d’Alsace-Lorraine, qui l’élisent président du KKL de France. C’est donc bien le début d’une structure nationale. L’épanouissement du KKL en France et aussi en Afrique du Nord est lié à I ’arrivée en mission en 1925 d’un émissaire venu de Palestine, Joseph Fisher, qui devint rapidement un des principaux dirigeants du judaïsme français.
Au soir du 13 octobre 1925, Joseph Fisher, émissaire du bureau central de Jérusalem, arrive à Strasbourg où il est accueilli par Tobie Salomon et Sylvain Cahn, les deux responsables de la commission locale du KKL. Les trois hommes reprennent dans un café, la conversation qu’ils ont entamée lors d’une réunion tenue à Vienne. La rencontre se prolonge le lendemain dans le local minuscule de l’association, rue de Sébastopol, puis l’émissaire se rend à Paris, où il est accueilli par Armand Fleischman, le président national, dans sa petite boutique de bonneterie de la rue Vieille du Temple qui sert aussi de siège. Joseph Fisher, qui ne parle pas encore le français, réussit en quelques années à doter le KKL de France d’une structure solide et efficace quasiment partout où existent des communautés juives sur le territoire, y compris en Afrique du Nord.
Né à Odessa en 1893, I’homme n’a pas perdu son temps jusque-là : président du groupement des étudiants juifs, puis enseignant d’histoire, il a été un des dirigeants du puissant mouvement sioniste russe, plus précisément de sa branche travailliste, aussi bien sous le tsarisme que sous le bolchevisme, en passant par la brève période démocratique de 1917. Ses activités lui valent une arrestation en août 1922 et une condamnation à deux ans d’emprisonnement, suivie d’une relégation en Russie du Nord.
Finalement expulsé d’URSS le 24 janvier 1924, il arrive en Palestine en juillet : c’est en tant que « Palestinien » qu’il commence sa mission en France et installe son bureau rue Nouvelle (aujourd’hui rue du Cardinal-Mercier), puis rue Etienne-Marcel prolongée. Cette adresse est aussi celle de « La Terre retrouvée », dont le n° 1 parait le 15 novembre 1928 : ce journal mensuel, puis rapidement bimensuel, s’est imposé comme une des tribunes principales du monde juif francophone.
Quand on parcourt les pages de la « Terre retrouvée », on trouve de longues listes de donateurs répartis par localités, avec le montant de leurs dons et, souvent, pour quelle occasion.
Des rubriques spéciales sont prévues pour I ‘Alsace et la Moselle, pour l’Afrique du Nord, pour les inscriptions au livre d’or et aussi pour les plantations d’arbres, car, ne l’oublions pas, le but principal du KKL est à l’époque l’achat de terres. Une multitude de réunions servent à disséminer l’information sur le travail constructif en cours en Palestine, et sur le contexte politique, militaire et diplomatique qui le favorise ou, au contraire, l’entrave. Les orateurs peuvent être des « Palestiniens » de passage, ou des militants du KKL francophones ou yiddishophones, dont certains se sont rendus sur place et en rendent compte.